J’ai commencé à lire Charlie Hebdo lors de son reboot dans les années 1990. J’avais vingt ans, la France me semblait le centre du monde, le journal était aussi bête et méchant qu’à sa première époque, il me donnait un ligne directe avec les soixante-huitards dont plusieurs grand noms étaient toujours là – Wolinski, Cabu, Cavanna…
Il y avait aussi un certain Philippe Val, qui semblait le grand manitou, et montrait quelques tendances à se prendre pour un patron de presse, un contresens pour Charlie. Val est devenu définitivement imbuvable après le 11 septembre, il est même devenu – ailleurs – un véritable patron de presse, et je n’ai plus lu Charlie.
Tout cela a été abondamment documenté et discuté, je fais juste le rappeler vu d’ici.
Mais bon, moi étant moi, j’ai quelque chose avec les journaux, je veux dire, des fois j’achète même La terre de chez nous, alors ponctuellement je vérifie où en est Charlie, et je tombe sur l’édition courante et elle semble comme avant avec des dessins vulgaires et on annonce un entretien avec un élu NFP, quelque chose sur Mélenchon, et deux textes contre le RN, je me sens en confiance.
Et donc l’élu en question est Jérôme Guedj, je ne le connais pas, mais je ne connais plus personne parce que je ne lis plus Charlie, il est socialiste, mais au sens de dans le parti socialiste français, et donc j’ai beau me réclamer moi-même du socialisme je ne suis pas exactement un post-jospiniste si vous voyez où je veux en venir.
Il passe une bonne partie de l’entrevue à casser du sucre sur Mélenchon et une autre à défendre « l’universalisme » et la « laïcité» , qui est contre la tarte aux pommes je vous le demande, mais dans ce monde ci les mots sont loadés, et je sais ce que ça veut dire universalisme et laïcité dans la langue politique, je me dis il a l’air correct mais c’est bon je vois le genre, un autre socialiste qui ne dit rien de socialiste finalement, imaginez un écolo qui ne parlerait pas d’environnement.
Quant à Mélenchon, j’ai mes réserves, la première étant qu’il devrait avoir décrissé depuis quelques années déjà, sont tous incapables de céder leur place quand leur shift est fait, mais j’ai été consterné par le très malveillant dossier qu’on lui consacre, un hit pièce vulgaire et désolant dont le procédé principal est la culpabilité par association – à des personnes, des organisations, des idées – à tel point qu’il n’est pas le sujet principal de trois des cinq textes.
Kessé que je suis en train de lire?
L’image donne pas mal le ton, un maître qui tire les ficelles, c’est stupide et grossier, ça paraît qu’ils n’ont jamais entendu parler de jean-françois lisée, ils se seraient gardé une gêne, et l’ensemble est écrit sur un ton conspirationniste, ce qui ne manque pas de sel dans la mesure où on reproche souvent ceci à Mélenchon lui-même, et de manière générale on semble lui reprocher son appartenance à une organisation communiste obscure et louche, comme si c’était de nature à faire peur, comme si elles n’étaient pas toutes louches et obscures de toute façon.
Je m’en bats les couilles, comme ils disent en France.
Faque la ligne de Charlie aujourd’hui semble en être une de gauche républicaine, mais une gauche qui se pense dans les thèmes de la droite, ce qui semble le mieux illustré par l’éditorial de Riss qui somme le NFP de se brancher sur un premier ministre, pour calmer les esprits et faire consensus, avant d’ajouter quelque soit sa politique, la priorité du prochain locataire de Matignon sera d’éviter de mettre le feu au pays et conclure par on est tous derrière lui. J’ai cherché dans tous les univers disponibles, actuels ou parallèles , et je n’en ai trouvé aucun dans lequel la presse satirique se range derrière le gouvernement.